De l’Irlande du Nord au Portugal, 89 éleveurs de l’espace Atlantique ont répondu à une enquête visant à évaluer l’effet des facteurs non maîtrisables par l’exploitant sur la réussite économique leur activité.

L’enquête, diffusée en ligne auprès des éleveurs pilotes du projet européen Dairy4Future, a été conduite au printemps 2020. Au total, 34 éleveurs portugais, 17 français, 16 espagnols, 11 irlandais et 11 britanniques ont été questionnés. Recrutées pour leur efficacité technico-économique et leur capacité d’innovation, ces fermes pilotes ne sont pas entièrement représentatives des exploitations laitières de leur région. Néanmoins, leurs réponses soulignent les enjeux auxquelles font face les éleveurs laitiers européens.

 

 

Nature du contrat laitier : la clé de réussite économique des éleveurs irlandais et britanniques 

Pour la majorité des éleveurs enquêtés (64%), la nature de leur contrat laitier est propice à leur activité. Un résultat à interpréter au regard de plusieurs paramètres qui diffèrent d’un pays à l’autre et entre opérateurs laitiers : le volume de référence, la méthode de fixation du prix, la durée d’engagement, etc. Par exemple, tous les éleveurs irlandais enquêtés et les ¾ des britanniques affirment ne pas avoir de restriction de volume à produire. Les réponses témoignent également des disparités sur les modalités de fixations du prix. Alors qu’au Royaume-Uni et Irlande, le contrat laitiers avec prix planchers ou couvrant les coûts de production se répandent largement, en France, Espagne et Portugal, ce type de contrat peine à se développer.

 

 

 

Prêts Bancaires : des conditions d’accès plus ou moins favorables selon les pays

L’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt et son maintien à bas niveau est un contexte favorable aux investissements. En témoignent les résultats de l’enquête : 61% des éleveurs attestent que les conditions d’accès aux crédits sont favorables à leur activité.  Interrogés sur la qualification de leur conseiller bancaire, les éleveurs français, irlandais et britanniques affirment que leur interlocuteur bancaire est a minima spécialisé dans le secteur agricole (voire laitier). A l’inverse, pour les ¾ des éleveurs laitiers portugais, les interlocuteurs bancaires sont des conseillers non spécialisés. Des résultats qui illustrent un degré d’intérêt des organismes bancaires pour le secteur laitier plus ou moins élevé selon les pays.

 

 

 

 

Des contraintes environnementales fortes et un manque de soutien politique selon les éleveurs Espagnol et portugais.

Seulement  1 éleveur espagnol sur 8 estime que les normes environnementales en vigueur sont propices à leur activité, contre 75% des irlandais enquêtés. Des résultats contrastés qui reflètent la diversité des systèmes laitiers et des niveaux d’intensification le long de la côte Atlantique. En Galice et Pays-Basque espagnol, l’excès de lisier, difficilement épandable localement (peu de surfaces en cultures), a un impact économique majeur sur les élevages (transport d’effluents vers d’autres régions, investissement dans des infrastructures de traitement, etc.). Les réponses des éleveurs témoignent également d’une application à géométrie variable des mesures environnementales européennes. L’Irlande et le Royaume-Uni disposant en effet d’une dérogation au plafond maximal d’azote organique épandable (170 kg/ha) dans les zones vulnérables, défini dans le cadre de la directive nitrate.

Comme pour les normes environnementales, on observe un fort contraste selon le pays d’origine, concernant l’effet de la politique nationale sur la filière laitière, sur la réussite économique des éleveurs. Ces résultats soulignent des stratégies politiques nationales très différentes depuis la fin des quotas en 2015. L’Irlande, qui a augmenté  sa production nationale de plus de 40% en 10 ans, s’est donné les moyens d’accompagner cette expansion : mise en place de programmes de formation, création d’un organisme de gestion sanitaire, investissements dans les usines de transformations, etc. Une situation aux antipodes du Portugal et particulièrement des Açores, où la totalité des éleveurs enquêtés déclare que la politique régionale ne leur est favorable et déplore le manque d’infrastructures de base (salle de traite, tank réfrigéré, etc.).

Accès au foncier, prix des équipements agricoles, disponibilité de la main d’œuvre, perception publique de l’élevage : des challenges auxquels sont confrontés tous les éleveurs

 L’accès au foncier est considéré comme facteur défavorable à la réussite économique des exploitations laitières, pour 76% des éleveurs enquêtés. Un résultat très lié au prix du foncier dans les régions étudiées. En Espagne, Irlande et au Royaume-Uni, le prix des terres agricoles se situe entre 20 et 30 mille euros par hectare. Aux Açores, où 1/3 de la production laitière Portugaise est réalisée, et au Nord du Portugal, le coût du foncier s’envole pour atteindre plus de 40 mille €/ha et la majorité des éleveurs ont recours à la location pour s’agrandir. Malgré un contexte bancaire favorable aux investissements, la majorité des éleveurs enquêtés soulignent également le prix élevé des équipements agricoles (matériel, installations et bâtiments) qui fragilise la santé économique des exploitations.

Enfin, les éleveurs témoignent du manque reconnaissance de leur métier par le reste de la société. Les externalités négatives de l’élevage sont largement décriées dans les médias, tandis que les services rendus sont peu mis en avant. Cette vision négative envers l’élevage laitier à de lourdes conséquences selon les éleveurs : manque de main d’œuvre, baisse d’attractivité de la profession, évolution de la demande en produits laitiers, etc.

Des filières laitières qui s’organisent pour soutenir les éleveurs

Face aux enjeux auxquels sont confrontés les éleveurs, des initiatives ont été prises par les acteurs de la filière pour améliorer la résilience des exploitations laitières. Ces solutions concernent principalement la nature du contrat laitier, en accordant par exemple une certaine stabilité dans le prix du lait payé aux éleveurs, ou en rémunérant des pratiques répondant aux attentes des consommateurs (augmentation du temps de pâturage, alimentation sans OGM, amélioration du bien-être animal et de la biodiversité, etc.).

Concernant le financement des investissements en élevage, plusieurs outils originaux se développent. En Irlande par exemple, l’apparition de prêts flexibles spécifiques à l’élevage laitier (ex : MilkFlex) permet par exemple de faciliter l’accès au crédit en ajustant les mensualités selon l’évolution du prix du lait.

Enfin, les organismes de recherche et développement soutiennent également les éleveurs en les accompagnant dans leur transition vers des pratiques en adéquation avec les attentes sociétales et/ou la réglementation, et en renforçant l’attractivité du métier pour faire face au manque de main d’œuvre.

[Enquête] Les facteurs suivants sont-ils favorables ou défavorables à la réussite économique de votre exploitation laitière?

Résultats exprimés en % des enquêtés

Pour plus d’informations, consulter les rapports de l’Action 5.3 du projet D4F 

Download – 20210520_Dairy4future_D5.3