« Trévarez a mené des travaux majeurs sur l’élevage des génisses, les prairies ray-grass trèfle blanc, la diminution des concentrés ou robot et pâturage », rappelle André Le Gall, chef du département techniques d’élevage et environnement à l’Idele. Et le nouveau virage que s’apprête à prendre la station expérimentale s’annonce tout aussi important. « L’agriculture a un rôle à jouer pour lutter contre le changement climatique et avoir l’empreinte la plus faible possible, estime Jean-Hervé Caugant, élu à la chambre d’agriculture de Bretagne. À Trévarez, nous allons travailler sur un système bas carbone, tester jusqu’où nous pouvons descendre sans nuire à la performance économique des exploitations ».

Un kilo de CO2 par litre de lait

Avec 17 % du total français, l’agriculture n’est pas le secteur d’activité le plus émetteur en gaz à effet de serre, devancé par le transport, 29 %, et le résidentiel/tertiaire, 19 %. Encore faut-il différencier émissions brutes, qu’elles soient directes (fermentation entérique, gestion des effluents…) ou indirectes (achat d’engrais, d’aliment…) de l’empreinte carbone nette, une fois retranché le stockage de carbone, via haies et prairies.

Le projet européen Carbon dairy, mené sur cinq ans et six régions françaises, a permis d’en savoir un peu plus, en suivant près de 4 000 élevages. « Qu’elles soient herbagères, mixtes ou plutôt maïs, les fermes laitières bretonnes émettent en moyenne un kilo de CO2 par litre de lait produit, calcule Sylvain Foray, de l’Idele. La différence va se faire au niveau du stockage de carbone, 0,2 kg pour les fermes herbagères contre 0,06 pour les élevages à dominante maïs, pour une empreinte carbone qui varie de 0,81 à 0,95 kg CO2/l de lait ».

Toute la filière en est convaincue, « le bas carbone sera un accès au marché de demain, estime Jean-Hervé Caugant, en citant l’Irlande ou la Nouvelle-Zélande. Il nous faudra être aussi bons voire meilleurs que les autres ».

Réduire l’empreinte carbone de 20 %

Pour réduire cette empreinte carbone, les élevages laitiers peuvent compter sur de nombreux leviers : la gestion du troupeau, en avançant l’âge au vêlage ou en limitant le renouvellement, l’alimentation, en réduisant le recours aux concentrés, la conduite des cultures, en jouant sur la fertilisation ou le carburant, le stockage de carbone, en misant sur le type ou la durée de vie des prairies, l’agroforesterie…

« Des solutions que nous allons tester à Trévarez, indique Solenne Dupré, conseillère lait à la chambre d’agriculture de Bretagne. Pour cet essai, nous disposons d’un troupeau de 120 laitières, avec un objectif de production de 8 000 kg de lait avec 400 kg de correcteur azoté mais sans concentré de production ». Le pâturage sera volontairement limité à 25 ares/vache pour coller avec les contraintes des élevages bretons, le renouvellement à 45 génisses par an. La ration hivernale comprendra 40 % d’ensilage d’herbe. Et c’est du tourteau de colza qui sera utilisé, pour son effet améliorateur sur les taux et son poids carbone plus faible.

Du côté des cultures, les rotations intégreront des prairies temporaires et de nouvelles haies seront implantées, pour favoriser le stockage de carbone. Les légumineuses trouveront leur place dans les prairies et les achats d’engrais seront réduits au strict minimum.

Pour maximiser la qualité des fourrages, les ensilages d’herbe se feront en coupe précoce jusqu’à fin juin. « Puis en coupes tardives, pour limiter temps de travail et coût ». Car l’objectif de cet essai est bien de vérifier l’adéquation entre efficience environnementale, rentabilité économique et viabilité « travail » du nouveau système mis en place.

Mais de nombreuses questions restent encore en suspens… « En limitant les animaux improductifs, on va libérer des prairies », cite à titre d’exemple Sylvain Foray. Les retourner pour y implanter des céréales fertilisées avec des engrais minéraux n’irait-il pas à l’encontre de l’objectif bas carbone ? « Il va falloir mesurer l’incidence de chaque décision à l’échelle globale ». « Puis, une fois l’essai terminé, faire savoir à nos concitoyens que les agriculteurs agissent pour lutter contre le réchauffement climatique », rajoute Jean-Hervé Caugant.

Le réseau F@rm XP

« Nous voulions rationaliser les expérimentations et leur coût », explique Bernard Le Viol, l’animateur du réseau F@rm XP, créé il y a un an par les chambres d’agriculture de Bretagne, Pays de La Loire et Normandie et l’Institut de l’élevage. Désormais, chaque ferme se spécialise. « Et ensemble, nous gagnons en rayonnement, en France comme en Europe ». La communication, « innovante et réactive », est désormais plus aisée, comme les collaborations avec les partenaires de l’amont et de l’aval.

Le réseau regroupait jusqu’à présent les fermes expérimentales de Trévarez (29) Blanche Maison (50), Derval (44) et les Trinottières (49) en lait, Mauron (56), Les Établières (85) et Thorigné d’Anjou (49) en viande bovine. Il vient d’acquérir une nouvelle dimension, avec l’arrivée de la ferme de
Jalogny (71), avec qui il travaillait déjà.